15/01/2015
Un mythe : le "droit au blasphème"
Selon les médias, il faut "défendre le droit au blasphème" face "aux religions". Ce n'est qu'un slogan : une idée fausse quel que soit l'angle. Voici pourquoi, sous deux approches juridiques différentes :
■ Concernant l'islam. Cette idée d'un « blasphème » d'infidèles qui serait punissable par des musulmans, et cela en terre occidentale, est loin d'être partagée par toutes les autorités musulmanes. Elle soulève une série d'interrogations : le droit coranique prescrit-il de punir les « blasphèmes » quand ils sont proférés par des non-musulmans ? la charia s'applique-t-elle aux non-musulmans ? et si elle l'est, l'est-elle partout dans le monde ? Oui, selon les djihadistes (si l'on en juge par leurs actes en Europe). Non, pensent beaucoup de théologiens de l'islam (même si les insultes à Mahomet les scandalisent comme la masse des musulmans). C'est l'un des points qui permettent de distinguer l'islamisme de l'islam ordinaire... Mais ce débat entre musulmans – déjà improbable pour des raisons structurelles – est devenu impossible en raison de la terreur exercée par les djihadistes. C'est même l'un des objectifs de ladite terreur.*
■ Concernant les catholiques dans la société française. La campagne médiatique pour « protéger le droit au blasphème » est indûment élargie par les médias pour viser « toutes les religions ». Toutes, vraiment ? Mais aucun « rétablissement du délit de blasphème »* n'est réclamé, ni souhaité, par le judaïsme ni par le christianisme !
On se demande aujourd'hui, en revanche, si les membres de l'Eglise catholique bénéficient toujours et partout – de la part de juges français – de la même sécurité que les autres citoyens face à la diffamation. Quand le dessinateur Plantu a publié dans Le Monde Magazine (3 avril 2010) un dessin montrant Benoît XVI sodomisant un enfant, le tribunal correctionnel de Paris, ultérieurement appuyé par la Cour de cassation, a débouté une association en déclarant que ce dessin n'était pas diffamatoire et ne relevait que de l'humour politique... Les juges auraient pu débouter par un biais moins surprenant, en disant (par exemple) que le dessin de Plantu constituait bien une diffamation mais que la victime Benoît XVI n'avait pas porté plainte, ni personnellement ni par ses mandataires en France... Ces juges ont préféré nier l'évidence de la diffamation, et suggérer ainsi que, dans ce domaine, les médias étaient désormais au dessus des lois.
Quelle est cette sphère quasi-céleste située au dessus des lois ? C'est celle des Valeurs d'Aujourd'hui dont la reine est la Laïcité : non la laïcité de 1905, seule légalement existante, mais une autre « Laïcité » inventée il y a une quinzaine d'années. La laïcité républicaine de 1905 ne vise qu'à empêcher « les Eglises » de se mélanger à l'Etat. La « Laïcité » récente vise à refouler « les religions », avec une hostilité marquée envers la religion chrétienne.
Pour comprendre ce phénomène, il faut le replacer dans le contexte de l'affrontement entre le catholicisme et le matérialisme mercantile, idéologie officielle du capitalisme tardif... (nous l'avons souvent expliqué et nous y reviendrons). C'est la raison pour laquelle cette « Laïcité » implique le droit d'insulter en permanence le catholicisme : droit à l'insulte rebaptisé « droit au blasphème », pour faire croire que « toutes les religions » (le catholicisme tacitement assimilé à l'islamisme) mettent en danger la liberté de penser.
Ne soyons pas dupes du message véhiculé ces jours-ci par le tsunami émotionnel.
_______________
* D'où le fait que les appels de l'Eglise catholique aux milieux dirigeants de l'islam n'aient pas eu de résultats tangibles jusqu'à présent.
** Le blasphème (« parole outrageant la divinité ») ne se confond pas avec le sacrilège (« actes contre les objets du culte »). Ce dernier était poursuivi comme criminel sous l'Ancien Régime. Rappelons néanmoins qu'en 1766 l'évêque d'Amiens intervint – vainement – en faveur du chevalier de la Barre, accusé sans preuves par la justice séculière... Brièvement rétabli en 1825 (sous la pression non des évêques mais de l'extrême droite politique), le crime de sacrilège ne donna quasiment lieu à aucune poursuite et fut aboli cinq ans plus tard.
12:32 Publié dans Idées, Religions | Lien permanent | Commentaires (54) | Tags : religions
Commentaires
LOI CORANIQUE
> "la loi coranique s'applique-t-elle au non-musulman?" Selon les hadiths, la loi coranique doit s'appliquer dès que les musulmans sont majoriaires.
C'est pourquoi les mêmes musulmans peuvent apparaître tolérants ... tant qu'ils sont minoritaires et ne plus l'être ensuite.
On ne pourra dire que l'islam aura évolué que lorsqu'il existera un pays à majorité musulmane dans lequel les non musulmans auront les mêmes droits. A ce jour il n'y en existe aucun !
C'est pourquoi je m'interroge pour savoir si toutes les belles paroles des imams de France sont universelles ou bien contextualisées ?
______
Écrit par : franz / | 15/01/2015
RIEN
> Oui, je pensais aussi à cette caricature injurieuse de Benoît XVI par Plantu ... mais puisque la justice a trouvé qu'il n'y a rien d'offensant, cette " justice " ne sert plus à rien.
______
Écrit par : Roque / | 15/01/2015
HOLLANDE
> "Les musulmans premières victimes du fanatisme" selon Hollande. Les chrétiens de... ( eh bien pratiquement tous les pays à majorité musulmane) apprécieront.
______
Écrit par : Il ne peut la fermer / | 15/01/2015
TOUT
> Patrice, je crois que vous vous trompez du tout au tout. Catholique pratiquant moi-même, j'avais écrit une réponse à la lettre du père Zanotti-Sorkine, mais elle s'applique assez largement à votre texte. Si ça vous intéresse, elle est là :
http://meneldil-palantir-talmayar.blogspot.fr/2015/01/non-ils-ne-lont-pas-cherche-la-liberte.html
Amicalement,
M.
______
Écrit par : Meneldil Palantir Talmayar / | 15/01/2015
AUSSI
> Et Joseph Ratzinger, puis Benoît XVI "déguisé" en nazi par Charlie Hebdo alors que son père a condamné sa famille à une quasi famine durant la seconde guerre mondiale en refusant de rejoindre le NSDAP !
______
Écrit par : Charlie non merci ! | 15/01/2015
FLOUE
> Souvent la laïcité est définie comme reléguant la religion à la sphère privée, cette notion est assez floue et extensive : est-ce à dire que la foi ne devrait s'exprimer que dans les quatre murs de nos habitations et églises ? Si on applique cela à la lettre, prononcer ne serait-ce qu'un mot religieux dans la rue est une entorse à la laïcité vue ainsi.
______
Écrit par : DV / | 15/01/2015
ISLAM
> Cela fait des jours et des jours qu'on nous sort des âneries... Cette revendication d'« droit au blasphème » en est un exemple. Plutôt étonnant venant de la part d'athées et d'agnostiques ! Il ne leur reste plus qu'à aller se confesser.
Concernant le blasphème dans la tradition islamique, on peut lire Talal Asad, « Reflections on Blasphemy and Secular Criticism », dans un ouvrage dirigé par Hent de Vries : "Religion: Beyond a Concept", editor Fordham University Press, 2008, et téléchargeable à l'adresse suivante : http://townsendcenter.berkeley.edu/sites/default/files/wysiwyg/ASAD_0.pdf
______
Écrit par : Blaise / | 15/01/2015
1905
> D'accord sur Plantu et la justice. Des décisions judiciaires scandaleuses, il y en a, et de plus en plus.
Mais dans mon monde à moi (celui de France Info, BFM, i-télé, etc.), du moins celui qui arrive à mes oreilles, la laïcité désigne désormais "la tolérance envers toutes les religions", et le "respect de toutes les cultures", ce qui incontestablement n'a pas non plus grand-chose à voir avec la loi de 1905, et va même franchement contre son esprit.
Mais comment articuler alors cette laïcité agressive avec l'Eglise catholique et la laïcité multiculturelle pour les autres religions?
Eh bien l'idée d'un "romantisme pour autrui" est plutôt fine et intelligente je trouve... 'Charlie' refusait cette laïcité multiculturelle, et appliquait à tous la première version de la laïcité, la laïcité agressive.
Là où je ne suis qu'à moitié d'accord avec vous, c'est sur la loi de 1905. Il y a la loi, il y a son esprit, et il y a son contexte d'origine, et ces deux derniers étaient plutôt agressifs et n'avaient pas la douce froideur de la loi. Je ne crois pas qu'il puisse y avoir une laïcité sans une dose d'agressivité envers les religions. La question est donc : est-il prudent de refaire le match ?
Maud
[ PP à Maud - il n'est pas question de refaire un match : mais, au contraire, de constater que la loi de 1905 a engendré progressivement un nouvel équilibre. L'Eglise de France fut la première à le dire en 2005 lors de la commémoration. ]
réponse au commentaire
Écrit par : Maud / | 15/01/2015
NOS ELITES EUROPEENNES ONT ETE IMPRUDENTES
> En ouvrant tout grand nos frontières à tous les peuples mais surtout aux musulmans (réactions liées à lecture littérale du Coran pour certains, salafisme, contexte géopolitique au Moyen Orient, aspects du monde occidental révulsant les croyants... ), il ne faut pas s'étonner des tragédies récentes qui nous touchent mais qui sont le quotidien des peuples d'outre Mediteranée.
Les frontières sont nécessaires pour délimiter toute entité et d'autant plus nécessaire que c'est une entité vivante : nation ou organisme vivant.
Qui dit frontière ne dit pas barrière infranchissable, au contraire, mais choix, et donc sélection de qui peut entrer et sortir sans mettre en péril l'existence des 2 entités de part et d'autre.
La nature en donne de multiples exemples:
pour une cellule vivante la frontière sera la membrane filtrant les échanges
pour le corps humain c'est la peau
pour une rivière ce sont les rives:sinon c'est le marécage ..etc etc
Sur ce coup je m'étonne un peu de la position du pape.
Bien sûr accueillir ces malheureux : mais leur nombre provoque en lui même la disparition rapide des conditions d'un bon accueil.
Le pape indique aussi les changements politiques économiques et environnementaux à engager au niveau mondial mais l'effet sera à long terme.
Or il faut aussi gérer à court terme.
Oui nous avons été imprudents (l'appât du gain avant tout) et l'ardoise à multiples lignes arrive.
Nul ne pourra s'y soustraire.
Mais nous avons l'Espérance.
______
Écrit par : philou / | 15/01/2015
ISLAM
> Je ne sais pas à quoi vous faites allusion dans votre note sur les "appels de l'Eglise catholique aux milieux dirigeants de l'islam" mais il semble que ceux du pape ai été entendu
http://fr.radiovaticana.va/news/2014/12/03/le_cheikh_dal_azhar_condamne_la_%C2%ABbarbarie%C2%BB_de_l%C3%A9tat_islamique/1113476
et la position des imams en France suite aux attentats a été d'une grande clarté.
Pierre
[ PP à Pierre - Je ne parlais pas de protestations évidentes contre des atrocités, mais du travail théologique de fond. Il est vrai que les appels à ce travail sont peu publics, mais plutôt réservés aux entretiens discrets. Ma formulation n'était donc pas adéquate. ]
réponse au commentaire
Écrit par : Pierre / | 15/01/2015
LIBERTÉ D'EXPRESSION
> Voilà ce que pense le pape François: http://www.lavie.fr/religion/catholicisme/pour-francois-la-liberte-d-expression-est-une-obligation-mais-doit-eviter-l-insulte-15-01-2015-59567_16.php
______
Écrit par : ND / | 15/01/2015
TGV = GPI
> C'est sûr les chose changent (bis)
"Le futur TGV Poitiers-Limoges, nouveau grand projet inutile
Les usagers des transports vont déposer un recours auprès du Conseil d’Etat, après la décision de Manuel Valls de signer le décret d’utilité publique.
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/#3A6jhMfM7mmrh0kk.99"
______
Écrit par : Charles-Amédée / | 15/01/2015
PAS DE DÉRISION
> "On ne peut provoquer, on ne peut insulter la foi des autres, on ne peut la tourner en dérision"
(pape François il y a quelques heures)
"Chacun a non seulement la liberté, le droit, mais aussi l'obligation de dire ce qu'il pense pour aider au bien commun. Il est légitime d'user de cette liberté, mais sans offenser."
______
Écrit par : E Levavasseur / | 15/01/2015
"NULLE PART"
> J'ai acheté le nouveau numéro de La Vie et une fois de plus cet hebdomadaire m'est tombé des mains. Ici, on inclut dans un tout les meurtres de 17 personnes (dont les meurtres de personnes juives) et les actes visant les mosquées de France. Si un journaliste ne voit pas de différence entre un assassinat et un tag... fermez le ban !
Là, on repart avec le couplet : les fanatismes, les extrémismes blah blah blah... religieux, comme si participer à la Manif pour tous ou assister à une messe selon le rite de Saint Pie V était comparable à la mort de 2.000 civils au Nigéria au nom de la lutte contre l'occidentalisation ou la lapidation d'une femme violée...
bref, tant que le politiquement correct d'un côté et la logorrhée servie par d'autres n'auront pas été empêchés de polluer le débat nous n'irons nulle part. Les 7, 10 et 11 janvier n'ont décidément rien changé et c'est trop tard pour espérer quoique ce soit, les "experts" et leur prêt-à-penser sont de retour au commande. Rendormez-vous... jusqu'à la prochaine fois.
______
Écrit par : Maxime / | 15/01/2015
PAS SÛR
> Le problème sur le "droit au blasphème" en islam est que Mahomet - le beau modèle - a lui-même fait mettre à mort des opposants (donc non musulmans) qui se moquaient de lui.
Pour information, au Pakistan - mais sans doute ailleurs également -, le blasphème est puni par la loi, la peine étant la mort. Alors je ne sais pas quels théologiens se demandent si le blasphème serait autorisé chez les non musulmans mais je me permets une question : êtes-vous sûr que ces théologiens représentent l'islam traditionnel ?
Mais je suis d'accord avec vous, il faudrait une vraie réflexion au sein de l'islam, réflexion qui me semble impossible en l'état et pour le moment. Mais sait-on jamais.
Xavier
[ PP à X. - Rien n'est jamais "sûr" dans le domaine islamique... ]
réponse au commentaire
Écrit par : Xavier / | 15/01/2015
MEDDEB
> Je suppose que vous connaissez ce texte mais cela fait quand même du bien de lire la prise de position d'un musulman qui se donne la peine de réfléchir et non de geindre :
"Abdelwahab Meddeb: «L'islamisme est la maladie de l'islam, mais les germes sont dans le texte»
par Marc SEMO et Christophe BOLTANSKI 23 septembre 2006 à 23:24 (Mis à jour : 6 novembre 2014 à 11:17)
INTERVIEW
L'écrivain et universitaire tunisien Abdelwahab Meddeb est mort ce jeudi. En 2006, il revenait, pour «Libération», sur les différentes interprétations du Coran et l'intégrisme d'aujourd'hui.
L'écrivain et universitaire tunisien Abdelwahab Meddeb est mort ce jeudi. En septembre 2006, Libération l'avait interviewé, après les propos du pape Benoît XVI, qui avait cité un texte médiéval établissant un lien entre l’islam et la violence. Abdelwahab Meddeb s'était aussi exprimé à plusieurs reprises dans nos pages lors de la révolution tunisienne de 2011.
Abdelwahab Meddeb se dit prêt à jouer le rôle d’un Voltaire arabe. Né en 1946 à Tunis, il enseigne la littérature comparée à l’université Paris-X-Nanterre. Ecrivain et poète, il revisite inlassablement l’islam, ressuscite la richesse de ses premiers débats et met ses dogmes à l’épreuve pour mieux combattre le simplisme de ses trop nombreux séides. Contre-Prêches, son dernier ouvrage (Le Seuil) inspiré de ses chroniques dominicales sur Radio Tanger Medi 1, voyage à travers un Orient compliqué et son double, l’Occident, se veut une réponse à tous les fanatismes.
Avez-vous été surpris par l'ampleur de la protestation suscitée les propos du pape sur islam et violence ?
Oui et non. Non, je ne comprends pas pourquoi ils ont suscité une telle réaction et, en même temps, on a l'impression que l'on est désormais face à un schème dramaturgique bien établi qui correspond parfaitement à ce que recherchent les médias, avec du spectaculaire et de l'histoire dans le spectaculaire. Ce qui s'est passé dans ce cas précis est très grave. On est en face d'un discours académique plutôt fondé sur le raisonnement qui participe, certes, d'une apologétique où l'on dit que le christianisme est meilleur que l'islam. C'est une adresse aux chrétiens, notamment sur le problème du retrait de Dieu dans un monde de raison. Dans ce texte, le pape avance aussi l'idée que le Dieu des musulmans et des chrétiens est le même, même si l'approche que l'on a de ce Dieu n'est pas la même. Ce qui concerne l'islam était simplement introductif pour montrer que le Dieu chrétien et le christianisme n'ont aucun lien avec la violence, à la différence de l'islam. C'est au Moyen Age, peu avant les croisades, que se forgea en Occident cette représentation de la religion d'un Prophète guerrier. Signe de l'imposture dans une vision chrétienne qui oubliait d'ailleurs la tradition de violence dans la Bible, même si celle-ci vient plus des rois que des prophètes.
Dans ce texte, n'y a-t-il pas une identification entre l'Europe et le catholicisme ?
Il y a en lui l'idée que le christianisme, et le Dieu chrétien, est grec, et donc que ce n'est pas un hasard si le christianisme a crû en Occident et en Europe. D'où sa crainte d'une déshellinisation avec l'ouverture du christianisme à d'autres cultures, africaines, latino-américaines ou océaniennes. Le pape laisse la porte ouverte tout en recommandant que cette adaptation n'occulte pas le lien avec l'hellénisme et l'Europe. Le même pape, quand il n'était que cardinal, s'était déclaré contre l'entrée de la Turquie en Europe, pour préserver les fondements judéo-chrétiens et helléniques de sa culture. Je pense, en revanche, que Bagdad et Cordoue ont participé tout autant que Jérusalem, Rome et Athènes, à la formation de l'Europe. Ce lien de l'islam avec l'hellénisme connaît son point de synthèse dans le personnage le plus connu en Occident, le philosophe arabe du XIIe siècle, Averroès. Face à l'exclusivisme judéo-chrétien, il y a une sorte d'islamo-judéo-christianisme et il ne faut pas oublier que les références en dernière instance de l'Europe sont les principes des Lumières avec le dépassement sinon la pulvérisation de la référence religieuse.
Mais le choix par le pape d'une citation d'un empereur byzantin et homme d'épée n'est-il pas paradoxal pour illustrer cette question du rapport entre la foi et la violence ?
Le message évangélique a constitué véritablement une rupture par rapport aux écritures antérieures en privilégiant l'amour sur la loi. L'aspect persuasif l'emporte sur l'aspect coercitif. C'était une révolution. Les musulmans actuels correspondent à la parabole biblique et coranique de ceux qui ont des yeux et qui ne voient pas, de ceux qui ont des oreilles et n'entendent pas et il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. L'un des pays musulmans censé être le défenseur de l'islam de la manière la plus forte, l'Arabie Saoudite, a sur son drapeau la profession de foi islamique, avec des lettres tellement allongées qu'elles deviennent des lances agressives, et en dessous le glaive. Pour construire un monde en commun dans le respect de la diversité, il faut un dialogue, qui ne doit pas être de complaisance. La question de la violence de l'islam est une vraie question.
La violence dans l'islam est-elle une réalité ?
Les musulmans doivent admettre que c'est un fait, dans le texte comme dans l'histoire telle qu'ils la représentent eux-mêmes, en un mode qui appartient plus à l'hagiographie qu'à la chronique. Nous avons à faire à un Prophète qui a été violent, qui a tué et qui a appelé à tuer. La guerre avec les Mecquois fut une guerre de conversion. Il y a eu aussi la guerre avec les juifs et le massacre des juifs à Médine, décidé par le Prophète. Il y avait un jeu d'alliances, une opération politique qui se continue par le militaire.
Que dit précisément le Coran ?
Il est ambivalent. Il y a le verset 256 de la deuxième sourate qui dit «point de contrainte en religion». Mais aussi les versets 5 et surtout 29 de la sourate 9, «le verset de l'épée», où il est commandé de combattre tous ceux qui ne croient pas à «la religion vraie». L'impératif qâtilû, que l'on traduit par «combattez»,utilise une forme verbale dont la racine qatala veut dire «tuer». Le verset 5 est explicitement contre les païens et les idolâtres, aménageant, en revanche, une reconnaissance aux scripturaires, aux gens de l'écriture. Le verset 29, lui, englobe dans ce combat les scripturaires désignant nommément les juifs et les chrétiens. C'est le verset fétiche de ceux qui ont établi la théorie de la guerre contre les judéo-croisés. L'islamisme est, certes, la maladie de l'islam, mais les germes sont dans le texte lui-même.
D'où des interprétations opposées ?
L'interprétation traditionnelle reconnaît cette contradiction et n'a jamais dit que «le verset de l'épée» abolit «le verset de la tolérance», comme le font les intégristes aujourd'hui. Pour eux, «le verset de l'épée» annule plus de 100 versets de toute autre teneur, appelant par exemple à discuter de «la meilleure manière», c'est-à-dire argument contre argument et dans le respect de l'autre avec ceux avec qui on n'est pas d'accord, Il est dit aussi dans un verset (XVI, 125) très aimé par les libéraux de l'islam : en dernière instance, vous ne savez pas où est la religion vraie. Dieu seul le sait. Mais les intégristes balayent les versets de ce type. La théorie de l'abrogeant et de l'abrogé dans l'islam est très complexe. Eux optent pour l'idée la plus simple : le principe chronologique. Le verset mecquois sur la tolérance émane d'un Prophète de pure spiritualité, qui n'est pas encore dans l'exercice du pouvoir politico-militaire. Il est donc abrogé par celui qui vient après, fait à Médine. Mais le raisonnement peut être renversé comme pour le fameux théologien, Mohammed Mahmoud Taha, le Soudanais, Il dit : l'éternel du Coran, c'est ce qui nous vient de La Mecque, parce qu'il est pur de toute contingence politique. En outre, la guerre sainte avait une codification extrêmement précise qui n'a rien à voir avec la manière avec laquelle le jihad est invoqué aujourd'hui. Il est question du respect profond des vieillards, des enfants, des femmes, de ne jamais, dans l'attaque contre des ennemis chrétiens, toucher à des moines qui sont des gens de paix. Il y a même un rapport écologique, un appel à faire attention aux arbres, aux récoltes.
Qu'est-ce qui a changé ensuite ?
A partir du XIXe siècle, on a essayé d'aborder l'islam dans une visée de modernisation. Au Caire, l'Egyptien Mohammed Abdou estimait que le temps de la référence au jihad était révolu, bien que les pays musulmans étaient déjà colonisés ou en voie de colonisation. Il aurait pu évoquer le jihad comme défense comme beaucoup le font aujourd'hui, par exemple à propos des Palestiniens, pour les distinguer des gens d'Al-Qaeda. Mohammed Abdou partait d'un point de vue assez simple, formulé de façon très minoritaire par certains penseurs cairotes dès le XVIIIe siècle : chaque fois que, dans la question de la loi, la raison prime sur la tradition, il faut suivre la raison. C'est pour rompre avec l'esprit de Mohammed Abdou que dans l'atmosphère des années 20, Hassan al-Banna, le fondateur des Frères musulmans, a remis en avant le jihad comme arme de combat contre ce qu'on pourrait appeler la déculturation des sociétés islamiques par l'occidentalisation. Avec Sayed Qotb, qui est le grand théoricien arabe de l'intégrisme militant actif et violent, le jihad devient l'instrument de la réislamisation puisque les sociétés musulmanes sont considérées elles-mêmes comme des sociétés devenues impies.
La critique dans l'islam n'est-elle pas bloquée par le fait que le Coran est un texte immuable ?
Dans la doctrine maximaliste, le Coran, c'est la parole même de Dieu dans sa lettre. Ce qui est pure folie. Là aussi, c'est un immense débat qui a eu lieu pendant les quatre premiers siècles de l'islam pour décider si c'est un Coran créé ou incréé. Opter de nouveau pour la thèse du Coran créé appartient au combat démocratique. Ces débats ont été, depuis, occultés et il faut les ressortir. C'est ce qu'essayent de faire un peu mes chroniques, sortir les saillies qui ont pu être pensées dans la tradition islamique.
Un Coran créé, c'est un Coran forcément traduit en langage humain, donc imparfait ?
C'est une interprétation. Il est dit dans le Coran, dans un verset célèbre (verset XIV, 39) : ce que vous avez entre les mains n'est pas le livre mais seulement une copie, parce que la mère du livre, c'est-à-dire l'archétype là encore le Coran se fait platonicien , reste dans les cieux. Certes, on ne doute pas qu'il s'agisse d'une parole révélée, mais elle est interprétée dans un langage humain. Même les plus littéralistes étaient très nuancés : le passage par l'art du calligraphe, le passage par l'encre, par le papier, obligent nécessairement de tenir compte de la médiation humaine. Trop de musulmans aujourd'hui figent tout. En poussant jusqu'à l'absurde, il vaudrait mieux ne pas connaître l'arabe pour croire dans ce Coran parole de Dieu. Mais, en terme mythique, cette idée que le Coran serait la parole même de Dieu est très belle. Un peintre de Herat au XIVe siècle montre le Prophète recevant pour la première fois l'Ange qui lui dit : «Lis au nom de Dieu.»«Je ne sais pas lire», répond-il. Ce peintre montre la fondation coranique dans une scène iconographiquement très proche de l'Annonciation. La réception du Verbe par Marie engendrera le corps et la réception du Verbe par Mohammed engendrera le Livre. D'une certaine manière, le Livre est donc une forme d'incarnation. Mais les musulmans actuels n'admettent pas cette image.
Pour eux, c'est l'Ange qui donne le Livre ?
Oui. Il est donné et appartient à l'incréé. Il a été toujours là dans sa lettre et en toute éternité. Je voulais que cette miniature fût l'illustration de la couverture des Contre-Prêches. Elle figure seulement dans le rabat, parce que la bibliothèque de l'université d'Edimbourg a refusé de donner les droits pour la couverture, craignant de susciter l'ire de certains musulmans. Je trouve insensé que des Européens dans une institution européenne censurent dans le sens de l'obscurantisme islamique.
Il est de plus en plus risqué de parler de l'islam ?
Moins que jamais il faut se taire. Il faut contrer ces gens-là de toutes nos forces. A mes yeux, l'islamisme est un fascisme. Certes, Bush a, lui aussi, utilisé ce terme, mais cela ne veut pas dire qu'il est faux. L'Europe peut, enfin, en tant qu'acteur historique, être en cohérence avec les principes qu'elle a créés.
Vous vous définissez comme un Voltaire et vous rappelez volontiers que Zadig veut dire le véridique, en arabe.
Absolument. Le premier calife s'appelle d'ailleurs Abou Bakr Zadig (je reprends à dessein la transcription voltairienne). Il y a vingt ans, jamais je n'aurais imaginé que le monde vivrait une telle régression.
Vous prenez même dans Contre-Prêches la défense de sa pièce, le Fanatisme ou Mahomet le Prophète, qui est pourtant très violent.
Ma chance est de m'inscrire dans une généalogie à la fois arabe, islamique, maghrébine, tunisienne, européenne, française. Je pense que nous vivons à une époque où nous n'avons pas le droit de dire que nous ne sommes pas au courant. Voltaire a, dans l'une de ses lettres, une remarque fabuleuse : «Nous parlons de l'islam mais ça reste entre nous.» A l'époque comme aujourd'hui, parler de l'islam est aussi un détour pour parler de nous-mêmes. C'est exactement l'enjeu de la pièce de Voltaire qui évoque en fait Ravaillac, l'assassin d'Henri IV, personnage fourvoyé par le message fanatique. Nous pouvons mener une étude apaisée de ce que c'est que ce Mahomet de Voltaire au lieu d'essayer de l'interdire, comme l'avaient fait les frères Ramadan, à partir de Genève. Ce Mahomet de fiction ne correspond pas au personnage historique. Et je crois que Voltaire le savait. La vocation première de cette pièce est la dénonciation du fanatisme quel qu'il soit. Il y a ce vers : «Le glaive et l'Alcoran dans mes sanglantes mains imposeraient silence au reste des humains.» C'est le programme de l'intégrisme «ben-ladenien». "
[ PP à M. - J'avais reçu Meddeb à une émission de Radio Notre-Dame il y a quelques années. Sa mort m'a beaucoup peiné. C'était un interlocuteur clair et carré, qui assumait. Cet homme remarquable fut l'un des rares à avoir donné raison à Benoit XVI après l'affaire de Ratisbonne. ]
réponse au commentaire
Écrit par : Maxime / | 15/01/2015
LIBERTÉ D'EXPRESSION
> Le pape toujours sur la liberté d'expression mais in extenso: http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2015/01/15/01016-20150115ARTFIG00192-le-pape-en-matiere-de-liberte-d-expression-il-y-a-des-limites.php
______
Écrit par : ND / | 15/01/2015
à MAXIME
> Certes on ne peut pas mettre sur le même plan les "actions islamophobes de ces derniers jours" (graffiti, pétards) et les tueries des 7 et 9 janvier.
Mais sortons de cette sale habitude d'excuser nos propres racistes sous prétexte qu'ils ne sont pas (encore ?) passés à l'acte.
______
Écrit par : maksoud / | 15/01/2015
@ Meneldil Palantir Talmayar
> votre texte tombe à plat parce que vous ne parlez pas de responsabilité et de bien commun.
ça reste "ado".
______
Écrit par : E Levavasseur / | 15/01/2015
à Maksoud
> "pas encore passés à l'acte". La seule chose qui l'empêche est que dans ces milieux un sur trois est flic.
______
Écrit par : A. Landry / | 15/01/2015
LOGIQUE
> "les "actions islamophobes de ces derniers jours" (graffiti, pétards)" ne sont-elles pas dans la même logique que les caricatures faites par Charlie Hebdo ?
EL
[ PP à EL - Non seulement ça, mais l'auteur d'un de ces actes, interpellé hier par la police, s'est identifié comme un fan de 'Charlie' le Grrrand Journal Antifa... Rien n'est simple. ]
réponse au commentaire
Écrit par : E Levavasseur / | 15/01/2015
à Maxime et Maksoud
> Mettre sur le même plan des choses sans commune mesure fait partie de la logique de "fausse symétrie" nécessaire à la campagne contre "toutes les religions", idéologie du beauf intégral.
______
Écrit par : fulbert / | 15/01/2015
"FASCISME"
> à EL et PP
"Antifa" et grenades à plâtre contre la mosquée... Pas contradictoire. Plus rien n'est contradictoire. L'époque a cramé toutes les cohérences. Ecartez les prétextes "gauche" ou "droite" et cherchez la phobie commune.
______
Écrit par : carmentran / | 15/01/2015
POSTMODERNE
> en plus il y a une faute commise tout le temps : appeler "fascisme" l'islamisme. C'est rabattre un phénomène totalement nouveau sur un vieux machin ancien qui correspondait à un moment de l'histoire. Comme ça on se donne l'impression d'être dans du déjà connu. On ne voit pas que l'islamisme est postmoderne jusque dans son obsession d'internet. Peut-être même encore plus postmoderne que musulman !
______
Écrit par : Semmelweiss / | 15/01/2015
BAUMAN
> Le point de vue intéressant de Zygmunt Bauman : “Nos sociétés refoulent des populations entières hors du corps social”
"Il y a plusieurs grilles de lecture pour tenter de comprendre l’attentat contre Charlie Hebdo. Le multiculturalisme de façade de nos sociétés qui excluent les plus humbles en est une, estime le célèbre penseur Zygmunt Bauman."
http://www.courrierinternational.com/article/2015/01/14/zygmunt-bauman-nos-societes-refoulent-des-populations-entieres-hors-du-corps-soci
______
Écrit par : Pierrot / | 15/01/2015
ARGUMENT
> "Mais sortons de cette sale habitude d'excuser nos propres racistes sous prétexte qu'ils ne sont pas (encore ?) passés à l'acte."
C'est marrant comme argument cela me rappelle celui usité (et abusere comme disaient les latins) par les américains pour justifier leur "intervention" en Irak :
"Certes, Hussein n'a pas ENCORE utilisé les ARMES CHIMIQUES (qui n'ont d'ailleurs jamais été retrouvé pour la bonne raison qu'elles n'existaient pas) mais il VA le faire".
Au fait, n'avez-vous jamais eu un mouvement d'humeur (même et y compris dans votre enfance) qui vous a fait dire : "j'aimerais le/la tuer"... pourtant vous n'êtes jamais passé à l'acte et qui plus est, vous êtes aujourd'hui fort marri d'avoir jamais même PENSÉ pareille chose. Alors à moins d'en arriver à "Minority Report" il faut en rester au(x) fait(s).
Pour le moment il n'a pas encore été signalé d'attentat à la galette piégée commis par de méchants suppôts du pas-regretté-du-tout "Monseigneur" Lefebvre...
______
Écrit par : Maxime / | 15/01/2015
à Carmentran
> c'est ben c'qu'on dit !
Si du moins j'ai bien compris "votre manière d'exprimer votre rapport à la liberté d'expression dans votre découverte de l'autre dans tout son vécu** "
qui vous a dit que nous opposions les bêtises ?
"Tu t'en vas et tu nous quittes !
Adieu pauvre Carmentran !"
** poil au ...
______
Écrit par : E Levavasseur / | 15/01/2015
CONNAÎTRE L'ISLAM
> Dans le climat délétère actuel, où s'accentuent rapidement la peur et l'incompréhension vis-à-vis de nos compatriotes musulmans, et encore bien davantage la leur vis-à-vis de nous, les chrétiens sont appelés fortement à poser des actes et à adopter des attitudes d'amitié et de respect très concrets, à conjurer la spirale de la violence.
Vis-à-vis de l'islam, un discernement éclairé est incontournable. Ni démonisation, ni angélisme:
1.) Chaque musulman est une personne de chair et de sang, avec un cœur, une intelligence et une conscience, irréductible à sa religion, des frères en Abraham et en humanité, d'abord des frères à aimer très concrètement, en actes et en vérité, et sans réserve.
2.) Nous informer sur l'islam et comprendre qu'il est multiple, divers et non unitaire, encore bien davantage que le christianisme, de notre point de vue qui ne peut être que "sociologique", n'étant pas croyants de cette religion. Par conséquent nous abstenir de propositions telles que "oui, mais le 'vrai islam'..." Il n'y a de "vrai islam" que pour un croyant musulman, sur un plan métaphysique, et son contenu variera parfois considérablement d'une personne à l'autre. Abdelwahhab Meddeb et Al Zarkawi professent chacun un "vrai islam" qui est diamétralement opposé. Exactement comme, à partir du "sensum fidei", Benoît XVI pouvait dire que beaucoup de non-chrétiens le sont sans le savoir, et un nombre certain de "grands chrétiens" ne le sont pas du tout. EVITER UNE APPROCHE ESSENTIALISTE à 4 sous de l'islam, et encore plus, des musulmans, à partir d'une lecture superficielle du Coran. Lisez Meddeb, et Olivier Roy également, Yann Richard aussi, sur le chiisme. Sans oublier surtout, les textes du Magistère sur l'islam, les musulmans et les immigrés, que bien peu de cathos connaissent - y-compris sur ce blog -.
3.) L'importance relative des diverses écoles et tendances au sein de l'islam - dont certaines, très violentes en effet -, et leur capacité à recruter plus ou moins d'adhérents est profondément DYNAMIQUE. Elle sera fonction de l'expérience vécue par les musulmans dans leur diversité. Il fut un temps où l'OLP régnait à peu près sans partage sur les Palestiniens, avec des chrétiens qui y ont occupé des fonctions essentielles (et même quelques juifs !), l'échec d'Oslo et l'aggravation des conditions de vie, l'enfermement et la violence subie au quotidien l'ont plombée, et propulsé en avant le Hamas. Ce dernier se "normalisant", il s'est affaibli à Gaza, au profit de groupuscules djihadistes. Dans l'islam comme ailleurs, l'injustice et la violence entraine la violence, c'est mécanique. En d'autres temps et sous d'autres latitudes cela a donné le 'sentier lumineux' ou les attentats anarchistes (qui furent souvent le fait d'immigrés italiens, mal intégrés et mal aimés dans la France de la seconde moitié du XIXe s.) Nous jouons un rôle capital dans cette violence qui continue de déstabiliser tout le Proche-Orient, et ce depuis près d'une centaine d'années.
4.) Il en va de même dans la société française de 2015. L'exclusion sociale, le décrochage scolaire, le racisme - dont font habituellement preuve plus ou moins subtilement une majorité de catholiques jeunes et moins jeunes -,la ghettoïsation et une politique de la ville balbutiante constituent le ferment et le terreau idéal pour les projets de noyautage des recruteurs djihadistes. Nous continuons de jouer un rôle important dans ces injustices, sur lesquelles nous préférons fermer pudiquement les yeux. S'attacher aux causes, et non aux conséquences (le "terrorisme")... Au lieu d'hurler avec les loups ou de céder à la panique, que faisons nous concrètement pour lutter contre cette ghettoïsation, celle des esprits, également ? Qui sur ce blog a de vrais amis musulmans ? Qui serait prêt à inscrire ses enfants dans une école catho où 1/4 des élèves viendrait de "quartiers chauds" pour leur offrir une alternative, une école de qualité au lieu d'une école poubelle ? Qui d'entre nous, pour ceux qui vivent dans un "beau quartier" (comme moi), serait disposé à voir se construire à proximité des HLM à population mixte, pour conjurer la ghettoïsation en Seine-St-Denis par exemple ?
Plus simplement, qui pense, chaque fois qu'il est en contact avec un musulman - surtout en ces jours où les attitudes racistes se déchaînent et se multiplient - à avoir une attitude amicale et fraternelle, un sourire, une attention véhiculant le message implicite: "vous êtes une personne unique, un frère à aimer, et je ne fais pas d'amalgame avec des individus et des courants qui vous révulsent peut-être autant, sinon davantage que moi" ?
______
Écrit par : jwarren / | 15/01/2015
> Encore quelques pistes de réflexion pour penser notre relation aux musulmans, à travers "l'anthropologie de l'homme religieux", sans syncrétisme, ni relativisme. (reprises d'un post sur ce blog en 2011)
"ON N'ATTAQUE PAS UNE FOI VIVANTE PORTEE PAR DES HOMMES EN PRIÈRE"
> Islamologue reconnu, grand philosophe des religions, et enraciné ‘au cœur’ dans sa foi catholique, Roger Arnaldez – décédé en 2006 - peut à travers sa démarche et son itinéraire personnel et intellectuel, nous donner quelques ‘clefs’ dans notre approche de l’islam et du nécessaire dialogue avec les musulmans - « une exigence de la charité » -. Et ceci, sans tomber dans le relativisme, ou le syncrétisme, qu’il appelle une « dégénérescence de la pensée ».
Je trouve particulièrement intéressante, son approche à travers « l’anthropologie de l’homme religieux », laquelle permet – bien plus qu’à travers la théologie – de fonder et de justifier la nécessité d’un dialogue entre chrétiens et musulmans : « une dogmatique peut être récusée, par des arguments. Mais on n’attaque pas une foi vivante, portée par des hommes en prière »…
Je vous livre ci-après quelques extraits de la belle ‘Notice sur la vie et les travaux de Roger Arnaldez’, prononcée par Chantal Delsol, qui lui a succédé en 2006 à l’Académie des Sciences Morales et Politiques.
http://www.asmp.fr/travaux/notices/arnaldez_delsol.htm
" L’anthropologie de l’homme religieux double ici l’étude des théologies. Faut-il encore que d’une religion à l’autre cette disposition se reconnaisse. Ce qui s’appelle le dialogue. Dans la ligne de son travail sur l’œcuménisme, Roger Arnaldez a consacré bien des pages au dialogue, qui est, entre les religions, « une exigence de la charité ». Il faut alors que chaque partenaire veuille écouter l’autre dans une intention pure. Et c’est l’autre homme qu’il écoute, plus que sa doctrine. Le dialogue exige la tolérance, qui n’est certes pas entendue au sens d’un relativisme, mais au sens d’un respect de l’autre, même considéré comme fourvoyé. Une dogmatique peut être récusée, par des arguments. Mais on n’attaque pas une foi vivante, portée par des hommes en prière. Cette distinction représente la brèche par laquelle un dialogue serait possible, même s’il réclame des qualités humaines rares. (…)
Roger Arnaldez est convaincu que ce n’est pas sur le sol des théologies que peut se nouer le dialogue. Mais davantage, dans l’expérience des mystiques. Autrement dit, si les dogmes et les arguments plutôt séparent, le cheminement vers Dieu rapproche, comme aventure d’une révélation qui se donne au cœur. Sans vouloir opposer l’intelligence qui sépare et le cœur qui unit, il faudrait plutôt dire que la contemplation mystique, dans sa nudité, peut éclairer différemment ce qu’expriment les dogmes.(…)
Il n’y a pas comme on dit « trois religions du Livre » ; l’islam est la véritable religion du livre, tandis que judaïsme et christianisme sont des religions du logos comme parole et raison. Mais il y a analogie des textes et des expériences, quand il s’agit toujours de défendre l’unicité de Dieu et sa transcendance, dans un monde polythéiste. (…)
Il semble bien qu’au cours de la vie de Roger Arnaldez, l’admiration vis à vis de l’islam s’efface avec le temps ; et elle laisse place à des critiques déçues et parfois virulentes. (…)
Certes, rien de plus imbécile que les rêves d’entente, dans l’ignorance et la réinvention de l’autre (par exemple, le soi-disant sens du jihad, décrit par les médias, le fait bondir d’indignation). Mais l’effort à la fois de compréhension et de charité demeure une nécessité dans un monde chrétien de plus en plus confronté au monde musulman.
Et c’est pourquoi la déception dont je parle, confirmée par tous ses proches, ne s’affiche pas vraiment en public. Roger Arnaldez sait à quel point il serait facile d’attiser ainsi la haine de l’islam. Il craint l’instrumentalisation de son point de vue, trop complexe pour être bien compris : d’une part, la conviction de la fausseté et de l’incohérence de la doctrine musulmane ; et en même temps, la volonté sincère de comprendre les musulmans dans leur foi vivante.
Ainsi, voilà un esprit engagé sur une ligne de crête qui ressemble fort au fil du funambule. Les deux précipices : d’un côté le conflit, et de l’autre, l’œcuménisme rose. (…)"
______
Écrit par : jwarren / | 15/01/2015
NE PAS SE LAISSER EMPORTER
> Je crois qu'on ne doit pas se laisser emporter dans la problématique posée par les laicistes.
L'interdiction du blasphème est un sujet très mineur chez les chrétiens.
Ce qu'il faut rappeler pour éviter de tomber dans le piège de cette question est que la seule demande des croyants est d'être respectés comme chaque citoyen.
Lorsque Taubira est caricaturée en guenon on trouve cela inadmissible, alors qu'on trouve normal de faire bien pire pour le pape.
La loi est la même pour tous, c'est ce que l'on demande.
De cette manière on évite le piège dialectique posé.
______
Écrit par : ludovic / | 15/01/2015
LE DROIT À
> Le problème du "droit à" ne relève-t-il pas d'une confusion entre ce que permet formellement la loi et les limites qu'y imposent au mieux la morale, au pire la bienséance ou la simple prudence ?
A ce sujet, un article récent paru dans "la Croix" ces derniers jours :
http://www.la-croix.com/Articles-du-Forum/Opinion-de-Chantal-Delsol-Plaidoyer-pour-la-decence-2015-01-13-1267057
______
Écrit par : sven laval / | 15/01/2015
@ Xavier
> Evitons les confusions.
Toutes les moqueries ne relèvent pas du blasphème.
En l’occurrence, les païens n’ont pas blasphémé contre Mahomet, puisqu’ils récusaient son ministère prophétique.
Quant au Pakistan, c’est une ancienne colonie britannique. Et justement, la pénalisation du blasphème, à partir du XIIIe siècle environ a été une caractéristique propre à la chrétienté latine. Elle a permis à des souverains comme Louis IX par exemple, d’affirmer l’autonomie et la légitimité des pouvoirs séculiers face aux autorités ecclésiastiques et au pape (mais en Angleterre, le blasphème n’est criminalisé qu’au XVIIe siècle).
Tout ça est d’une banalité extrême : les islamistes, derrière le masque d’authenticité qu’ils aiment revêtir, ont toujours été à la pointe de l’occidentalisation et du modernisme dans leur société.
______
Écrit par : Blaise / | 16/01/2015
BLASPHÈME EXCLUSIF
> Je suis quand même effondré par la bêtise à flux continu que déverse la radio (je ne regarde même pas la télé). Une seule fois, j'ai entendu Olivier Bobineau rappeler l'évidence : que les journalistes de Charlie Hebdo n'ont pas blasphémé. Leur cible réelle, ce n'était pas Dieu, mais les musulmans, l'islam.
Blaise
[ PP à Blaise - Exact : mais Bobineau pourrait mentionner le fait que 'Charlie' blasphème le Dieu des chrétiens, et exclusivement celui-là !
Cf la couverture du hors-série "La véritable vie du petit Jésus", ou la couverture obscène sur la Sainte Trinité. ]
réponse au commentaire
Écrit par : Blaise / | 16/01/2015
@ jwarren
> Meddeb était athée. Alain Rey disait même, à propos de son ami, que la crise de foi qu'il avait vécue dans sa jeunesse avait été pour lui très douloureuse. Quoi qu'il en soit, le "référent islamique" était central chez lui. Dans une de ses dernières émissions, je me souviens, il expliquait que la sainteté qu'il révérait était celle de la pensée. Il avait ainsi investi la culture de transcendance. Mais un tel transfert ne prenait-il pas le risque de l'élitisme? c'est une question que je me posais souvent lorsque je l'écoutais. Paix à son âme.
______
Écrit par : Blaise / | 16/01/2015
RESPECT
> Les mots ont-ils encore un sens ? Laicité ou pas, je reviens -- on me le pardonnera -- à l'article 1er de la Constitution de la Ve République : "Elle (la République) RESPECTE toutes les croyances".
______
Écrit par : Jean-Claude Alleaume / | 16/01/2015
CHRÉTIENS
> J'ai été choqué comme tout le monde par le dessin de Plantu dans le Monde. Il m'a donné un motif supplémentaire de ne plus ouvrir ce prétendu quotidien de référence.
Pour autant, il ne m'est jamais venu à l'idée de réclamer sa mort.
La loi française est ce qu'elle est. Mais elle n'est pas si mauvaise. Elle est le produit d'une longue histoire, et de débats libres et raisonnés. Surtout, c'est la notre. C'est celle de chacun d'entre nous, croyant, incroyant ou parfaitement indifférent. Aucun fanatique, d'ailleurs ou d'ici, n'a à nous imposer la sienne. Plus que jamais, la nécessité de la séparation de l'Etat et de la religion n'est apparue avec autant d'évidence que depuis ces crimes odieux. Prenons garde que des chrétiens sincères ne se mettent du côté de ceux qui commencent à trouver des excuses aux assassins ! Il y eut des idiots utiles du communisme dans nos rangs. Il serait fâcheux qu'on en retrouve compagnons de route de l'islamisme, au nom d'une sensibilité commune des "croyants".
Jean Morland
[ PP à Jean Morland - Il y a des chrétiens aux côtés de ceux qui cherchent des excuses aux assassins ? "au nom d'une sensibilité commune des croyants" ? Nous vous serions reconnaissant de bien vouloir nous donner des éléments de preuve... ]
réponse au commentaire
Écrit par : Jean Morland / | 16/01/2015
@ Blaise
> Merci pour la précision. Mais tout en respectant évidemment son "auto-qualification", que signifie précisément l'"athéisme" chez quelqu'un qui est également profondément spirituel et ouvert à la transcendance ? Et chez qui, comme vous le dites, le "référent islamique était central" ?
Il existe tellement de registres d'appartenance à l'islam, entre les dimensions culturelle, sociologique, familiale, "nationale"... Très peu de musulmans se déclareront athées, beaucoup parmi les élites auront néanmoins une sensibilité proche de celle de Meddeb.
Par ailleurs, intéressant aussi ce que j'ai entendu de la bouche d'un patriarche chrétien au Proche-Orient: "si nous sommes chrétiens en Orient, nous appartenons aussi à la culture arabo-musulmane, qui est incontestablement la nôtre également".
______
Écrit par : jwarren / | 16/01/2015
CINGLÉ
> Le genre de cinglé qui se réclame de Charlie Hebdo :
www.lemonde.fr/education/article/2015/01/15/un-professeur-de-mulhouse-suspendu-pour-avoir-montre-en-classe-des-caricatures-de-charlie_4556719_1473685.html
www.leparisien.fr/charlie-hebdo/charlie-hebdo-un-professeur-suspendu-apres-un-violent-echange-avec-des-eleves-15-01-2015-4449723.php
www.lepoint.fr/societe/charlie-hebdo-un-professeur-suspendu-a-mulhouse-15-01-2015-1896920_23.php
c'est chouette d'être pro-Charlie, on peut dire n'importe quoi, les racistes, les islamophobes, les "idéologies nauséabondes", "le parti de la haine", l'intégrisme, la violence , etc .... c'est les autres !
______
Écrit par : E Levavasseur / | 16/01/2015
IDIOTS UTILES
@ Jean Morland, à mon avis, les idiots utiles utiles d'aujourd'hui sont plutôt ceux du libéralisme (dont le libertaire n'est qu'une branche).
______
Écrit par : Aurélien Million / | 16/01/2015
BLASPHÈME
> 'Charlie' ne blasphémait pas le Dieu des chrétiens (Et d'ailleurs Bobineau a cité saint Thomas d'Aquin). Disons plutôt qu'il se moquait (bêtement) de la foi des chrétiens. Question de vocabulaire.
Blaise
[ PP à Blaise - Le dessin obscène de 'Charlie' sur la Sainte Trinité est un blasphème direct contre Dieu. Sauf si le blasphémateur pense que Dieu est une invention de "la foi des chrétiens" (c'est ce que pense 'Charlie') : auquel cas on pourrait soutenir qu'il ne blasphème pas... Etc. ]
réponse au commentaire
Écrit par : Blaise / | 16/01/2015
@ warren
> "Qui sur ce blog a de vrais amis musulmans ? " bin….moi.
"Conjurer la ghettoïsation en Seine-St-Denis par exemple ?" Cela inclut, et devrait peut-être commencer par, la construction de logements non « sociaux » en Seine-Saint-Denis ou à l'est de Lyon, et créer les conditions de sécurité pour que des "Français moyens" acceptent d'y revenir, sinon les ghettos resteront des ghettos, de plus en plus pauvres et acculés à la criminalité.
-- En effet, la Foi chrétienne n’est pas une « religion du Livre » L’expression vient du Coran.
--Vous avez raison de signaler qu’on connaît mal l’Islam, mais on ne peut pas parler de lecture superficielle du Coran. Il n’y a pas de lecture du tout. Le point commun entre ceux qui parlent du « vrai Islam » et ceux qui « sont Charlie » est d’ignorer ce dont ils parlent.
______
Écrit par : Pierre Huet / | 16/01/2015
> Pas d'amalgame nous dit-on. Vrai, la France n'est pas Charlie.
______
Écrit par : Pierre Huet / | 16/01/2015
ON N'EMPECHERA JAMAIS LES CERVEAUX REPTILIEN ET LIMBIQUE DES HUMAINS DE REAGIR VIOLEMMENT EN CAS D'AGRESSION TYPE BLASPHEME INSULTES COUPS.....
> Le pape lui-même le dit:
"Si vous injuriez ma mère" et il fait un geste de menace avec son poing..
https://www.youtube.com/watch?v=67Wlz4hiUFc
à partir de 41s
pédagogie simple,évidente et souvent la meilleure.
La prudence réclamait de ne pas mettre en place des conditions de clashs comme la cohabitation de la république (laicité)et de l'islam
l'une excluant l'autre.
On pourra toujours noircir des pages de bonnes,bienveillantes,pieuses explications et résolutions mais elles pèseront peu face à la surprise d'une agression ...et le mal sera fait.
Et qu'est-ce-qu'on fait maintenant?
solutions pis aller? zemmourisation? rien?
Pour ma part déjà essayer à ne pas ajouter à la violence (paroles,actes). Peu ,mais pas si facile.
______
Écrit par : philou / | 16/01/2015
INCOHÉRENCES
> A propos des incohérences de la classe médiatique te de la classe politique
http://www.letempsdypenser.fr/la-confrerie-des-journalistes-et-des-responsables-politiques/
______
Écrit par : Louis Charles / | 16/01/2015
LE PAPE
> Le pape François est éloquent sur ce chapitre de la liberté d’expression ( http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2015/01/15/01016-20150115ARTFIG00192-le-pape-en-matiere-de-liberte-d-expression-il-y-a-des-limites.php ).
Son intervention dans l’avion, devant les journalistes, manifeste bien le fait que l‘insulte est toujours adressée à une personne (l’exemple de sa mère) ou un groupe de personnes (« on ne peut pas insulter la foi des autres »), et qu’elle génère une onde de haine et donc de mort autour de celui qui la profère.
Prétendre, comme nombre des tenants de « je suis Charlie », que cette onde doit librement parcourir le monde au nom de la liberté d’expression et d’un droit au blasphème qui seraient l’apanage d’esprits supérieurs (cet « héritage des Lumières », évoqué par le pape ?) est une position de principe intenable.
Cette position a été et demeure celle de « Charlie Hebdo ».
Qu’elle soit aussi, semble-t-il, celle de l’Etat français est particulièrement grave. Nos gouvernants paraissent en effet prendre leur parti d’une telle vision, qui est celle d’un laïcisme radical – assez radical pour nous offrir, il y a deux jours, au journal télévisé, cette image du Premier ministre Manuel Valls exhibant, un rien flambard, la une du dernier « Charlie Hebdo » dans la cour de l’Elysée !
Une telle attitude passe évidemment les bornes d’une saine laïcité. Il faudra bien que notre république cesse de regarder de travers et de mettre en accusation les croyants, musulmans ou non, enfants ou adultes, qui se disent atteints non seulement dans leur esprit, mais dans leur cœur (« Dieu plus intime à moi-même que moi-même » comme l’écrit saint Augustin) par les caricatures et les insultes proférées et diffusées contre eux au nom du droit de critiquer les religions.
______
Écrit par : Denis / | 16/01/2015
PAS DE BLASPHÈME
> Mon opinion, c'est que les journalistes de "Charlie" ne croyaient pas en Dieu et en la Sainte-Trinité. Or, pour blasphémer, il faut croire en Dieu. Si vous injuriez une personne imaginaire, vous n'injuriez personne. Le blasphème ne concerne pas ceux du dehors; c'est une déficience de l'acte de foi, non une absence de foi : par exemple, des gens en très grande souffrance peuvent blasphémer Dieu, c'est bien connu. Faire porter sur lui la responsabilité de leurs malheurs.
______
Écrit par : Blaise / | 16/01/2015
LEUR ENFANCE
> « S’il avait eu une enfance heureuse, serait-il devenu terroriste ?
Il n'y pas que le blasphème qui est vecteur de violence...
Un article intéressant, qui peut aider à comprendre la spirale de la violence, quelle que soit son "étiquette", religieuse, ou non (sans rien justifier, "excuser" ou légitimer, bien évidemment...)
Accrochez vos ceintures:
http://arretsurinfo.ch/lenfance-miserable-des-freres-kouachi/
______
Écrit par : jwarren / | 16/01/2015
> Le post précédent, plutôt avec le lien suivant:
http://www.reporterre.net/L-enfance-miserable-des-freres
______
Écrit par : jwarren / | 16/01/2015
CHARLIE A MANIPULE IGNOMINIEUSEMENT LA FRANCE
COUVERTURE MAHOMET TRONQUEE
A LIRE ABSOLUMENT
http://www.les-crises.fr/charlie-a-manipule-la-france/
______
On en reste sans voix
Écrit par : philou / | 16/01/2015
RATISBONNE
> Je viens de relire le puissant discours de Ratisbonne de Benoît XVI, du 12/9/2006. En ces temps confus, sa (re)lecture est lustrale et lumineuse. Je la recommande hautement. Cela nous éclaire sur la place à redonner à une conception élargie de la notion de "raison", du "logos", dans le dialogue entre la pensée moderne se voulant "scientifique" (même en ses versions contemporaines dégradées) et les religions, qui ne sont pas des "sous-cultures". Je voudrais en particulier citer la conclusion :
"J'en arrive ainsi à la conclusion. L'essai d'autocritique de la raison moderne esquissé ici à très gros traits n'inclut d'aucune façon l'idée qu'il faille remonter en deçà des Lumières (Aufklärung) et rejeter les intuitions de l'époque moderne.
Nous reconnaissons sans réserve la grandeur du développement moderne de l'esprit. Nous sommes tous reconnaissants pour les vastes possibilités qu'elle a ouvertes à l'homme et pour les progrès en humanité qu'elle nous a donnés. L'éthique de la scientificité – vous y avez fait allusion M. le Recteur Magnifique – est par ailleurs volonté d'obéissance à la vérité et, en ce sens, expression d'une attitude fondamentale qui fait partie des décisions essentielles de l'esprit chrétien. Il n'est pas question de recul ni de critique négative, mais d'élargissement de notre conception et de notre usage de la raison.
Car, tout en nous réjouissant beaucoup des possibilités de l'homme, nous voyons aussi les menaces qui surgissent de ces possibilités et nous devons nous demander comment les maîtriser. Nous ne le pouvons que si foi et raison se retrouvent d'une manière nouvelle, si nous surmontons la limitation autodécrétée de la raison à ce qui est susceptible de falsification dans l'expérience et si nous ouvrons de nouveau à la raison tout son espace. Dans ce sens, la théologie, non seulement comme discipline d'histoire et de science humaine, mais spécifiquement comme théologie, comme questionnement sur la raison de la foi, doit avoir sa place dans l'Université et dans son large dialogue des sciences.
C'est ainsi seulement que nous devenons capables d'un véritable dialogue des cultures et des religions, dont nous avons un besoin si urgent. Dans le monde occidental domine largement l'opinion que seule la raison positiviste et les formes de philosophie qui s'y rattachent seraient universelles. Mais les cultures profondément religieuses du monde voient cette exclusion du divin de l'universalité de la raison comme un outrage à leurs convictions les plus intimes.
Une raison qui reste sourde au divin et repousse la religion dans le domaine des sous-cultures est inapte au dialogue des cultures. En cela, comme j'ai essayé de le montrer, la raison des sciences modernes de la nature, avec l'élément platonicien qui l'habite, porte en elle une question qui la transcende, ainsi que ses possibilités méthodologiques. Elle doit tout simplement accepter comme un donné la structure rationnelle de la matière tout comme la correspondance entre notre esprit et les structures qui régissent la nature : son parcours méthodologique est fondé sur ce donné.
Mais la question « pourquoi en est-il ainsi ? » demeure. Les sciences de la nature doivent l'élever à d'autres niveaux et à d'autres façons de penser – à la philosophie et à la théologie. Pour la philosophie et, d'une autre façon, pour la théologie, écouter les grandes expériences et les grandes intuitions des traditions religieuses de l'humanité, mais spécialement de la foi chrétienne, est une source de connaissance à laquelle se refuser serait une réduction de notre faculté d'entendre et de trouver des réponses.
Il me vient ici à l'esprit un mot de Socrate à Phédon. Dans les dialogues précédents, beaucoup d'opinions philosophiques erronées avaient été traitées, maintenant Socrate dit : « On comprendrait aisément que, par dépit devant tant de choses fausses, quelqu'un en vienne à haïr et à mépriser tous les discours sur l'être pour le reste de sa vie. Mais de cette façon, il se priverait de la vérité de l'être et pâtirait d'un grand dommage » [13].
Depuis longtemps, l'Occident est menacé par cette aversion pour les interrogations fondamentales de la raison et il ne pourrait qu'en subir un grand dommage. Le courage de s'ouvrir à l'ampleur de la raison et non de nier sa grandeur – tel est le programme qu'une théologie se sachant engagée envers la foi biblique doit assumer dans le débat présent. « Ne pas agir selon la raison, ne pas agir avec le Logos, est en contradiction avec la nature de Dieu » a dit Manuel II à son interlocuteur persan, en se fondant sur sa vision chrétienne de Dieu. Dans ce grand Logos, dans cette amplitude de la raison, nous invitons nos interlocuteurs au dialogue des cultures. La retrouver nous-mêmes toujours à nouveau est la grande tâche de l'Université. "
______
Écrit par : Alex / | 16/01/2015
@ Philou
> Je viens de lire l'article que vous mentionnez... je suis atterré !
C'est donc ça : 17 personnes sont mortes en France, 4 viennent d'être tuées au Niger, pour que Luz s'amuse à dessiner des "bites" (je présente mes excuses à Mr. de Plunkett) !
Mais c'est affolant !
Dylan
( PP à Dylan - Pas besoin de présenter des excuses, vous employez le vocabulaire correspondant au sujet. Du reste M. Alévêque, "humoriste" officiel, a fait hurler de rire avec ça la salle de Radio France composée d'amis de M. Valls et de M. Hollande, de nihilistes dorés et de financiers de la communication : le top de notre temps. ]
réponse au commentaire
Écrit par : Dylan / | 17/01/2015
EN DESSOUS DE TOUT
> J'ai aussi lu la page en lien. Tout s'éclaire donc : l'esprit Charlie, c'est forcément en-dessous de tout (de la ceinture, en tout cas).
Et dire que ces quelques journaleux se marrent comme des gamins de la bonne blague subliminale qu'ils ont faite à la France et au monde entier.
Achetez, braves gens, on tire à 7 millions !
Leur métier, c'est d'entuber (je reste poli) tout le monde, c'est le 'moquage-de-figure' universel et absolu, et toujours sexolâtrique...
Sans parler du fond du message : cette une fait violemment grincer "Tout est pardonné" comme une antiphrase, puisque Mahomet y est dessiné de manière à le traiter, lui et ses disciples, de "double tête de b...". "Je suis Charlie" veut alors dire "Vive la bitolâtrie universelle" : même les musulmans y viendront, nous leur imposerons notre dogme.
Non seulement ils ne "pardonnent" rien, mais ils savent qu'ils relancent la guerre des images avec toute une partie du monde. Pendant que ces bobos libertaires s'éclatent, des églises brûlent, des chrétiens se font massacrer en nombre.
Tout est normal.
______
Écrit par : Alex / | 17/01/2015
PAS DE BLASPHÈME
> J’insiste sur ce point, crucial : il n’y a pas eu blasphème. Le péché de blasphème, pour qu’il soit effectif, suppose la foi en Dieu. Or ce n’était pas le cas de "Charlie Hebdo". Accuser ce journal de blasphème, c’est se livrer à une surinterprétation abusive, qui s’écarte de l’enseignement de l’Eglise sur le sujet – et même de ce qu’a pu en dire la tradition musulmane.
Les théologiens médiévaux qui, à partir de la fin du XIIe et du milieu du XIIIe s., ont établi la définition canonique de ce mot, entendaient par là une insulte faite à Dieu et outrageant délibérément la Majesté divine. Comme l’écrivait saint Thomas, « Celui qui parle contre Dieu avec l’intention de l’injurier [càd le blasphémateur] porte atteinte à la bonté divine » ("Somme Théologique", IIa-IIae, question 13, art. 1). Charb ne pouvait guère insulter Dieu alors qu’il n’avait même pas conscience de son existence. Il ne méconnaissait pas la charité divine : il l’ignorait. Ce n’est pas dû au hasard si le Catéchisme de l’Eglise Catholique (§ 2148) situe le blasphème dans le cadre strict de la foi chrétienne et de l’observance du Décalogue : « Le blasphème s’oppose directement au deuxième commandement. Il consiste à proférer contre Dieu – intérieurement ou extérieurement – des paroles de haine, de reproche, de défi, à dire du mal de Dieu, à manquer de respect envers Lui dans ses propos, à abuser du nom de Dieu. »
Les musulmans, quant à eux, se sont moins souciés du blasphème comme tel (tajd_f, « se moquer des bienfaits de Dieu »), que de l’expression publique de l’infidélité (à l’égard de Dieu et des hommes). Les paroles séductrices et trompeuses, amenant à la licence individuelle, au trouble et au désordre social dans la Cité islamique, voilà ce qui, pour les maîtres du fiqh, devait être réprimé. Ainsi, les affaires de blasphème dans certains pays musulmans, comme au Pakistan, sont des héritages de la Common Law.
Blaise
( PP à Blaise
Vous avez parfaitement raison.
A ceci près :
1. dans cette affaire les musulmans ne raisonnent pas : ils se sentent insultés collectivement, c'est tout et ça leur suffit pour passer à l'acte dans les rues d'Alger.
2. En France, qui a prononcé le mot "blasphème" ? Les leaders d'opinion et les politicards, en faveur de Charlie Hebdo. Ce sont eux qui ont clamé que critiquer ce journal était vouloir "revenir à la loi sur le blasphème". (De quelle loi parlaient-ils ? on ne le sait pas, ni eux non plus). ]
réponse au commentaire
Écrit par : Blaise / | 19/01/2015
@ Blaise
> on est tous d'accord sur le sens de" blasphème"
pas de blasphème sans Dieu, pas de racisme sans race.
Mais contrairement à Dieu qu'ils ne voient pas, les musulmans (et les autres), ils les voient : il y a insulte ou pour le moins malveillance
et malveillance absurde surtout étant données les circonstances.
______
Écrit par : E Levavasseur / | 19/01/2015
Les commentaires sont fermés.